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dimanche 30 janvier 2011

Eric Baret: Un chat sur son fauteuil est totalement satisfait; la Tranquilité c'est simplement d'arrêter de prétendre d'avoir besoin de quoi que ce soit...

Miaou Miaou !!

Des extraits d'une interview d'Eric Baret qui a travaillé avec Jean Klein, autour de la tradition du shivaïsme du Cachemire.. une belle tradition, qui unifie l'approche non duelle avec une approche corporelle..
Eric est un ancien de la légion étrangère....

Eric: La tranquilité c'est simplement arrêter de prétendre d'avoir besoin de quoi que ce soit.
Un chat sur son fauteuil est totalement satisfait. L'être humain est totalement insatisfait. Après un moment de satisfaction, tôt ou tard, il va chercher autre chose. Parce que finalement il a ce pressentiment de la liberté, il la cherche par tous les moyens: par les guerres, les paix, par toutes les excentricités possibles. Une maturation se fait. Vous cherchez dans la juste direction.

Quelle serait, à votre avis, la voie la plus directe pour parvenir à la perception du divin?
Eric Baret: Par l'acceptation totale de l'absence de divin. Par la prise de conscience que tout votre fonctionnement est sans cesse refus, sans cesse ajournement. Par la prise de conscience que l'on vit uniquement dans la mémoire, que le corps vit sans cesse dans l'attraction-répulsion, dans la peur, qu'il y a sans cesse cette référence à soi-même [....]
Le mot Dieu, c'est un concept. Quand vous levez le concept «Dieu» il peut rester une intimité. Mais l'intimité n'est jamais formulable. Le Dieu dont parle Eckhart est écoute, mais il n'a pas de barbe blanche. [...]
Dieu se reflète d'abord comme absence, ensuite comme présence et ensuite, si celui qui a perçu l'absence de Dieu puis la présence de Dieu a la grâce d'abdiquer totalement, il reste une évidence.
C'est la lumière qui éclaire les états de veille, de rêve, de sommeil profond.
L'éveil, c'est l'humilité, c'est arrêter de prétendre être ceci ou cela, arrêter de prétendre être auteur, arrêter de prétendre diriger sa vie, se rendre compte que le courant des choses est là et se donner à ce courant sans vouloir diriger. Quand vous lisez Ib'n Ata Allâh al-Iskantari, Layman P'ang, ou la Ribhu Gita il y a ce même silence, cette même humilité qui ont présidé à l'expression. Mais il n'y a pas d'éveil personnel. Quand Eckhart finit son sermon, il dit toujours, d'une manière ou d'une autre: «Prions pour que cette vérité prenne corps en nous.» Il ne prétend jamais être dans la vérité."

Parce que cette notion d'éveil, telle qu'on la connaît en Amérique du Nord, en Occident, elle prend un sens beaucoup plus, je dirais, exubérant.
Cela, c'est du commerce. Ce sont des gens qui cherchent des décorations, la Légion d'honneur. On sait très bien maintenant que la Légion d'honneur, cela ne vaut plus grand-chose.

... La Légion d'honneur de la spiritualité.
Oui! Alors, beaucoup de gens ont la Légion d 'honneur. C'est facile d'acheter une femme jeune et jolie. C'est facile dans notre société de gagner beaucoup d'argent. Finalement, le dernier élément... on achète l'éveil. Ce n'est pas très cher.

Ou cela peut être très cher.
C'est une denrée comme une autre. L'éveil personnel, c'est un manque de compréhension.
L'éveil, c'est la réalisation qu'il n'y a personne qui peut s'éveiller. On est dans un moment de totale humilité. Dire «Je suis éveillé» est factice. Cela ne veut rien dire.

N'y a-t-il pas d'effets physiologiques qui accompagnent cette humilité qui nous viendrait soudainement? Et d'abord, y a-t-il soudaineté? C' est un autre cliché en ce qui concerne l'éveil ici. On se dit que c'est une chose qui nous vient soudainement et qui, en plus, s'accompagnerait de phénomènes lumineux et autres. Tout un cirque en fait...
Il y a des degrés de relativité de l'ignorance. C'est-à-dire que vous pouvez très bien constater une certaine forme de purification. Il y a cinq ans lorsqu'un homme vous quittait, vous étiez traumatisée pendant un bon moment. Le prochain homme qui vous quitte, vous êtes traumatisée pendant quinze jours, puis deux jours. Il y a dix ans quand vous vous retrouviez sans argent avec un loyer à payer, cela vous mettait dans des états pas possibles. Un jour, vous vous trouvez sans argent avec un loyer à payer et vous sortez dehors et regardez le ciel et vous êtes heureuse. Incontestablement, on peut percevoir une forme d'apaisement qui se fait dans ce que l'on appelle une démarche spirituelle. Vous pouvez voir à quel point, à une époque, votre corps etait toujours en réaction, toujours tendu. Vous dormiez huit heures par nuit et vous vous réveilliez fatigué. Vous pouvez vous rendre compte qu'à une autre époque, vous dormez le tiers de ce temps et vous vous réveillez complètement disponible. Si on vous dit que vous êtes un homme imbécile, aucune région de votre corps n'est ébranlée par ce commentaire. On peut tout à fait se rendre compte de cela. C'est une constatation purement objective.
Au niveau de l'effet physiologique de l'éveil, mon maître a formulé qu'en effet, à la suite d'une compréhension totale, la transformation s'immisce dans toutes les cellules et qu'il y a une harmonisation corporelle et mentale. C'est seulement en Inde que l'on a porté l'attention là-dessus. Dans la tradition chrétienne, on n'a jamais mis l'accent sur cette extériorisation; dans le bouddhisme et dans l'Islam, très peu. Pour la bonne raison que cela n'a aucune importance. Lorsque quelqu'un est libre de lui-même, que dans son corps se fasse un certain rééquilibre, que son psychisme se transforme, cela ne le concerne pas parce qu'il n'y a plus de personne.
L'éveil est soudain alors que la transformation du corps, dans l'espace-temps, est progressive. On n'a même pas besoin d'en parler, dans le sens où la recherche de l'éveil n'est pas la recherche de ces expressions. En profondeur, elle est le pressentiment d'être libre. Cela n'a rien à voir avec un effet. On pourrait dire que c'est presque dommage qu'il y ait ces effets. Ce qui importe, c'est de se sentir libre.

Croyez-vous qu'un maître spirituel peut aider «l' élève» à se libérer?
Non. Mais il peut aider la personne qu'il rencontre à se rendre compte qu'elle n'est pas libérée, à mieux se rendre compte de ses antagonismes, ses restrictions. Il va l'amener à prendre conscience à quel point sa vie est étriquée et à quel point elle aspire à ce qui est au-delà de la restriction. Mais il n'y a pas d'éveil, donc pas d'éveillé, donc personne qui puisse être aidé. Il s'agit d'un processus de maturation. C'est un peu comme lorsqu'un petit enfant demande certaines choses et que vous lui racontez un mythe; quatre ans plus tard, lorsqu'il posera la même question, vous lui raconterez un autre mythe qui sera plus substantiel; jusqu'à ce qu'un jour, vous puissiez exprimer les choses plus directement. Un instructeur spirituel est celui qui va aider votre formulation, votre questionnement, à se préciser.

Pensez-vous qu'il est nécessaire d'avoir cet instructeur, faute de quoi on vivrait des égarements fréquents ou répétitifs, ou encore une stagnation?
Le problème ne se pose pas. C'est un peu comme si on demandait «Est-il nécessaire de tomber amoureux?». Vous tombez amoureux ou vous ne tombez pas amoureux. Vous faites une rencontre ou vous ne la faites pas. Si vous la faites, c'est parfait; si vous ne la faites pas, c'est parfait aussi.

On dit souvent que c'est lui qui nous cherche, que ce n est pas nous qui cherchons; nous, nous trouvons.
C'est un courant. Un courant qui vous prend en charge. Il faut faire une grande différence, une totale différence, une absolue différence entre un maître et un instructeur spirituel. Le maître est ce que l'on appelle un guru. Le guru, c'est celui qui est pleinement établi dans la vérité, dont la présence se reflétera dans la présence de l'élève. Son enseignement n'a aucun sens: il n'enseigne pas. Son être seul est son enseignement. Il y a des gurus qui formulent, répondent à des questions; il y en a qui ne répondent pas. Les paroles de ceux qui répondent ne constituent pas leur enseignement véritable.
L'instructeur spirituel, c'est quelqu'un qui a eu un pressentiment profond de la vérité et qui s'est rendu compte de ses antagonismes, mais qui n'est pas établi sciemment dans la vérité. Il a des moments où les éléments supérieurs à ses capacités passent à travers lui, où un enseignement, un courant peut s'exprimer; il peut participer au cheminement d'un de ses amis. C'est ce que l'on appelle un «upa guru». Il aide à préciser la question fondamentale, mais le seul qui a droit au titre de maître ou de guru dans le sens de l'Inde, c'est celui qui est assis dans la vérité. À jamais, celui qui ne peut jamais revenir à un fonctionnement personnel. Chez qui jamais un désir ou une peur ne peuvent apparaître, sinon cela signifie que la personne a encore un fonctionnement personnel, limité, réactif.
Maître Eckhart dit très clairement au sujet de Saint Paul: «Quand la grâce l'a quitté, il resta ce qu'il était»: un pauvre homme.
Il n'y a pas de désir chez un maître. Un maître n'a pas un ego qui vient de temps en temps et qui s'en va.

Mais tant qu'il y a une personne, est-ce qu'il n 'y a pas un ego?
Oui. Mais chez un maître, il n'y a plus de personne.

Ils doivent être extrêmement rares quand même, non?
Il y a effectivement très peu de maîtres Eckhart. Mais le fait qu'il y en ait un suffit à prouver la possibilité. Quand vous rencontrez un tel être qui ne prétend rien, n'enseigne rien, ne demande rien, vous êtes percuté. C'est ce qui importe.

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